Recherche d'informations au port [Anne Bonny]

Un homme venait de pénétrer le pub tandis que du verre se brisa. La musique, pourtant, continuait son inlassable rythme endiablé. Un corps fut projeté de l'autre côté du mur et ainsi la baston avait commencé. Comme encouragé, le musicien redoubla d'entrain.

Au coucher du soleil, il semblait que les choses aient été plus qu'habituelles. Deux prostituée enjambèrent deux hommes roulant sur le planchet et essayant de s'étrangler l'un l'autre. Elles rejoignirent la table d'Anne. Ses cheveux rouges et son chapeau usé cachait son visage baissé. Avec sa bouteille de vin, elle semblait s'endormir doucement. L'une des deux prostituée vint se pencher à son oreille, d'un signe discret et Anne ne bougea guère. Les deux filles, l'une blonde comme un soleil d'été et l'autres aux formes plantureuses, se dirigèrent vers la sortie et contournèrent l'étranger en lui offrant chacune une regard lascif et évident. La blonde se permit de frôler son épaule du doigt.

Passant légèrement devant lui, elles dissimulèrent habilement Anne qui en profita pour grimper par une fenêtre et espérer s'enfuir.

Ses deux amies étaient venues l'avertir : Un homme - et de bonne société, au vu de la blancheur de ses dents - la cherchait. Anne savait qu'il était mauvais pour elle. Un procureur ? Un militaire ? Un magistrat ? Elle se faufila par la fenêtre pendant que les deux filles s'amusaient à faire diversion. Braves filles.

Anne sauta les deux pieds à terre par la fenêtre. Il commençait à faire sombre. Calypso soit louée, il semblait que Margareth et Diva avaient fait leur office. Faudrait-il penser à les payer plus tard. Anne épousseta ses épaules, vérifia ses affaires et commença à s'éloigner. Une bouteille de bière était posée sur un baril de poudre. Elle la prit sur son chemin.

Vous êtes Anne Bonny ?

La voix était claire, autoritaire et forte. Ce n'était pas la voix d'un petit notable mais, d'un homme qui avait l'habitude de parler haut, loin et avec fermeté. Il avait la voix d'un amiral, avec une élocution noble et voluptueuse. Anne s'arrêta sans se tourner. Elle pencha la tête et bu une gorgée dans sa bouteille. Elle n'eut qu'à réfléchir quelques secondes : Si elle prenait la fuite, il suffirait d'une maladresse pour qu'il la rattrape. Il avait eut l'air d'avoir les jambes fortes. Et peut-être que cette rencontre ne signait pas son malheur. Elle eut un bref mais satisfait regard sur le baril a côté d'elle et d'un geste lent et discret, vérifia une seconde fois son pistolet.

Elle se retourna. Ses cheveux volèrent et quelques éclats de perles luisirent à la lumière des lucarnes.

Tout dépend de ce qu'on lui veut.

Elle avait la parole sèche et rude. Ferme comme un coup de poing au visage. Elle le regarde de haut en bas. Malgré ce temps entre chien et loup, elle admit que l'amiral était un homme fort bien bâti. Il était préférable de rester à distance.

Si "rien de méchant" était une expression des plus vagues dans son domaine - sans aucun jeu de mots - dans sa bouche, ça avait pourtant l'air sincère. De celles qu'elle avait croisé jusqu'à présent "Rien de bien méchant" prenait des formes si diverses qu'elle s'en méfiait toujours. Elle bu dans sa bière. Dans doute, du rhum aurait fait un meilleur outil. On se méfie moins des alcool. Un bouteille de rhum, un baril de poudre et on avait de quoi faire péter tout un quartier.

A l'annonce du Capitaine Crochet, Anne redressa légèrement la tête de pris le temps de toise Keith. Il lui semblait que ce jeu de regard allait durer longtemps. Elle trouvait ça ridicule.

"Capitaine Crochet" ? Elle fit semblant de réfléchir, l'air candide et faux. 'Connais pas ! Elle se retourna soudain, faisant mine de partir.

Puis, elle s'immobilisa soudain. Et se retourna lentement vers l'homme. Elle avait entendu cette rancune qu'elle connaissait bien. Elle décida de jouer dessus. Son visage se referma. Ses yeux se plissèrent. Elle avança doucement, comme suspicieuse.

Attend, l'ami... Tu veux peut-être parler du prince Jones... Cet ancien pirate manchot qui a trahi les siens pour la couronne... Qui a crut bon de revenir pointer le bout de son nez et transformer le Jolly Roger en appartement princier...? Ce traître de lâche sans honneur... Tu veux peut-être parler de ce Capitaine Crochet ?

Elle cracha par terre, furieusement.

'Connais toujours pas. Chercher ailleurs, l'ami.

Puis aussi soudainement, elle se retourna pour s'en aller. Elle espérait bien qu'il lui propose un marché. Ca se passait comme ça. On se présente, on présente nos rancunes et nos vengeances à élaborer. Puis quand on se connait bien, on fait des affaires. Et si Anne n'avait rien contre le capitaine Jones, elle avait tout de même quelques ambitions à exploiter

Elle s'arrêta et baissa la tête. Elle aimait bien ce jeu-là. Ses lèvres s'incurvèrent dans le noir. Sa langue glissa pour humidifier ses lèvres. Détruire Crochet ? Il en avait de la rage au ventre. Assez, peut-être, pour honorer ses promesses. Anne se retourna. Bu une nouvelle gorgée de sa bière.

Il se pourrait... Que j'en faisais partie, oui. Admettons. Avoua-t-elle comme un secret honteux, à demi sourire. Elle leva légèrement le menton et observa sa dégaine. Admettons également que le Jolly Roger m'intéresse... Elle avait les yeux en l'air, faussement pensive. Admettons, insista-t-elle.

Anne n'était pas sûre de ce qu'elle faisait. Cet homme, même si Anne était certaine qu'il soit un grand seigneur - peu honnête et c'était le plus plaisant, chez lui - elle ne pouvait pas affirmer qu'il réussirait à dérober un navire pareille. Tout du moins à tuer le prince Jones. Mais, quand on voulait être sûr de soi, on ne pratiquait pas la piraterie.

Quel genre d'homme peut convoiter la mort d'un prince et promettre son navire à un étranger ?

Il avait visiblement besoin des secrets qu'un membre d'équipage pourrait avoir sur Jones. Et il n'était pas certain que ce type-là soit d'une humeur aussi dépensière pour léguer de pareils héritages à de simples associés rencontrés un soir de beuverie, dans une ruelle sombre. Si l'homme avait de quoi entreprendre un assassinat aussi gros, Anne jugea qu'elle n'avait guère besoin de ses promesses pour prendre ce qu'elle convoitait. Mais dut-elle savoir où elle mettait les pieds et avec quel genre de démon elle pactisait.

Son sourire s'effaça. Il ne répondait pas à ses questions. Beau parleur mais, mystérieux, le sagouin. Anne détestait ne pas savoir dans quoi elle s'embarquait. Qui est cet homme ? Quelle genre de vengeance veut-il accomplir ? Et quel genre d'illustre enfoiré promet quelque chose dont il n'a pas encore la possession ? De loin, le deal paraîtrait honnête : Jones tombe et son navire sera à toi. Mais, rien n'assurait que l'homme tiendrait parole. Ou qu'il avait le quelconque moyen de faire tomber un prince.

Un prince. Anne songea que pour être capable d'un tel crime, fallait-il ne plus rien avoir à perdre. Anne n'était peut-être pas assez désepérée pour ne pas se garantir une protection.

Tu as besoin de moi. Sinon, tu n'aurais pas fait le tour du port pour me trouver. N'est-ce pas ? Et je peux te ramener qui tu veux, dusse ai-je le chasser jusqu'au bout du monde, s'il le faut. Mais...

Elle leva les bras et se désigna.

Je n'ai aucun navire qui me permettrai de traquer ton gars, beau gosse. Elle regarda sur le côté et utilisa sa main pour se protéger les yeux du soleil. Ou faire semblant. Et le Jolly Roger est encore loin... Elle regarda de nouveau l'amiral. Difficile de t'aider dans ces conditions, pas vrai ?

Elle termina sa bouteille et la jeta plus loin. Le verre se brisa et son écho roula dans la ruelle. Anne soupira.

Alors soit tu y mets du tien et tu fais une véritable proposition, soit... Bon courage pour trouver un pirate qui est prêt à s'attaquer à un prince pour ta belle gueule et quelques promesses en l'air.

Elle regarda en l'air. Satisfaite. Elle ignorait quels étaient les finances de son "employeur". Mais, il semblait être sûr de lui et elle se demandait s'il ne s'agissait pas d'un grand seigneur. La Destin lui plaisait. Elle se demandait si sa bonne étoile l'avait sciemment mis sur sa route. Mais, puisque la providence était pour elle, il serait insolent de l'ignorer. Elle leva le menton, intéressée et curieuse de savoir jusqu'où pouvait-il faire monter les prix.

Si tu me trouves un navire en attendant, je serai à ton service.

Elle sourit. Sa remarque pouvait être insultante mais, Anne s'en amusait d'avantage. Des fous, c'était bien le cas. Une bande de dégénérés qui voguaient sur les mers en quête de dangers et de superstitions. Anne avait vu tellement de prodiges sur les flots qu'elle était prête à croire en l'incroyable. Des dieux, des monstres titanesques, des temples enfouies et des trésors perdus par les Anciens. Un navire, seulement un seul navire lui permettrait de retrouver ces choses-là. Et c'était tout ce qui la séparait de sa vengeance : Un navire.

Anne approcha de l'homme. Elle se doutait qu'elle n'avait pas grand chose à craindre. L'homme avait la posture de la méfiance mais, guère celui du danger. Le baril de poudre était toujours à côté, de toute façon.

C'est tout ce que je veux : Un navire. Elle approcha d'avantage jusqu'à ce que son visage soit juste sous le nez de l'étranger. Il était plus grand qu'elle. De si près, ça avait quelque chose d'oppressant qu'elle n'aimait pas. Il avait l'odeur-même de l'autorité. Elle passa un bras sur son épaule, languissante, et sourit. Et je sens que tu es le genre d'homme à pouvoir réaliser ce genre de vœux... Elle tendait le menton et était assez proche pour sentir son souffle sur son visage et s'emmêler dans ses cheveux rouges. Alors... Avons-nous un deal ? Penchant la tête, elle eut un regard fasciné pour ce visage un peu trop stoïque.

Sa main droite enlaçait doucement sa taille et se posait sur sa ceinture pour prendre appuie. Il était deux fois plus épais qu'elle. Son autre bras s'enroulait autour de son cou comme un vieux serpent. Elle sourit lorsqu'il accepta, la tête d'avantage penchée. Parfait. Il semblait être homme à savoir ce qu'il faisait. Dans le pire des cas, il abandonnerait. Il n'était qu'une chance de plus pour pouvoir retrouver Jack et la mer.

Elle recula légèrement, décollant sa poitrine de son torse. Il lui présentait sa main et son visage restait impassible. Ca l'arrangeait. Elle connaissait mille raisons de se méfier des hommes de peu de vertus. Ils étaient plus simples à manipuler. Plus difficiles de s'en défaire. Anne souffla d'un sourire amusé et arqua un sourcil. Pour conclure sa petite affaire, elle se mit sur la pointe des pieds, tira légèrement sur sa ceinture pour l'attirer et lui offrit un chaste baiser. Ou plutôt, le vola-t-elle avant qu'il n'ait pu s'enfuir. Si Anne n'avait pas l'haleine des plus fraiches, elle pourrait au moins profiter de celle florale de son partenaire de crime.

Elle se décolla soudain, lui tournant le dos. C'était assez pour discrètement dissimuler la bourse qu'elle venait de tirer de sa ceinture. Son doigt avait été assez agile pour défaire le noeud a sa ceinture. Tirer pour feindre le baiser lui permit de faire le reste. Au moins, si elle ne le revoyait plus, sa soirée n'aura pas été tout à fait perdue. Doucement, elle commençait doucement à s'éloigner, d'un air candide. Quand elle eut glissé la bourse dans le revers de sa veste, elle se retourna comme une jeune pucelle.

Quand tu auras mon navire... Tu sauras où me trouver. Elle fronça les sourcils et acquiesça énergiquement, comme une évidence. Je te fais confiance.

Les mains croisés dans le dos, légèrement penchée en avant, elle commençait à s'éloigner à reculons, de petits pas à petits pas.